RGPD et données biométriques : obligations, risques et bonnes pratiques
À mesure que les technologies numériques évoluent, les données biométriques occupent une place croissante dans notre quotidien, notamment pour l’identification et la sécurité. En raison de leur sensibilité, le règlement général sur la protection des données (RGPD) encadre strictement leur traitement. Cet article explore les principales règles du RGPD, notamment l’Article 9, ainsi que les risques liés à une mauvaise gestion de ces données.
Les exigences du RGPD pour les données biométriques
Consentement explicite et éclairé : L’Article 9(2)(a) du RGPD interdit le traitement des données biométriques, sauf si la personne concernée donne un consentement explicite pour une ou plusieurs finalités précises. Ce consentement, défini à l’Article 4(11), doit être libre et éclairé : la personne doit comprendre quels types de données sont collectés, leur usage, et les risques potentiels. Il ne peut être implicite ni obtenu sous contrainte ou déséquilibre de pouvoir. Ce niveau d’exigence vise à prévenir tout traitement abusif ou intrusif.
Respect d’une obligation légale ou d’intérêt public : L’Article 9(2)(f) du RGPD autorise le traitement des données biométriques s’il est nécessaire pour des raisons d’intérêt public, comme la santé publique, la sécurité nationale ou l’ordre public. L’Article 9(2)(g) l’étend aux traitements prévus par la loi dans le cadre d’une mission d’intérêt public ou de l’exercice de l’autorité publique. Ces exceptions encadrent l’usage des données par les autorités, à condition que le traitement reste proportionné et justifié.
Protection des intérêts vitaux : L’article 9(2)(c) autorise le traitement sans consentement dans les cas où il est nécessaire pour protéger les intérêts vitaux de la personne concernée ou d’une autre personne physique, notamment dans les situations d’urgence médicale. Ce cas d’exception est particulièrement important pour les services de santé, où la reconnaissance biométrique peut permettre d’identifier rapidement un patient inconscient afin d’administrer les soins appropriés.
Traitement dans le cadre du droit du travail : L’article 9(2)(b) ouvre la possibilité de traiter des données biométriques lorsque cela est nécessaire pour l’exécution des obligations et l’exercice des droits spécifiques en matière de droit du travail et de sécurité sociale. Par exemple, une entreprise peut recourir à la reconnaissance biométrique pour la gestion des accès ou le suivi des horaires, à condition que ce traitement soit justifié, proportionné et que les droits des employés soient respectés, notamment leur droit à la vie privée.
Motifs d’intérêt public substantiel : Comme rappelé, l’article 9(2)(g) autorise aussi le traitement pour des raisons d’intérêt public substantiel définies par la loi, ce qui inclut des domaines comme la santé publique, la sécurité et la prévention de la fraude. Ces motifs doivent être clairement inscrits dans le cadre législatif national, avec des garanties appropriées pour les personnes concernées.
Traitement à des fins de santé et de protection sociale : L’article 9(2)(h) prévoit la possibilité de traiter les données biométriques dans le cadre des soins de santé, du diagnostic médical, de la fourniture de services sociaux ou de la gestion des systèmes de santé. Cela englobe la recherche médicale, le suivi des patients et les dispositifs médicaux utilisant des données biométriques. La confidentialité et la sécurité des données dans ce contexte sont impératives.
Principes encadrant le traitement des données biométriques
Minimisation et limitation des finalités : Les articles 5(1)(b) et 5(1)(c) du RGPD imposent des principes fondamentaux de protection des données. La collecte des données biométriques doit se limiter à ce qui est strictement nécessaire (minimisation) et être réalisée uniquement pour des finalités précises, explicites et légitimes (limitation des finalités). Cela évite les collectes excessives ou détournées qui pourraient porter atteinte à la vie privée.
Sécurité renforcée : L’article 32 oblige les responsables de traitement à mettre en œuvre des mesures techniques et organisationnelles appropriées pour garantir la sécurité des données biométriques. Cela inclut des techniques comme le chiffrement, la pseudonymisation, et des protocoles stricts d’accès, afin d’éviter toute fuite ou accès non autorisé.
Transparence et droit à l’information : Les articles 12 à 14 du RGPD garantissent la transparence : les responsables de traitement doivent informer les personnes concernées sur la collecte et l’utilisation de leurs données biométriques, sur leurs droits, et sur la manière de les exercer. Ces informations doivent être communiquées de manière claire et accessible.
Analyse d'impact relative à la protection des données (DPIA) : Conformément à l’Article 35, le traitement des données biométriques, considéré comme à haut risque, doit faire l’objet d’une analyse d'impact relative à la protection des données (DPIA). Cette analyse permet d’anticiper les risques pour les droits et libertés des individus et de définir les mesures pour les atténuer.
Droit d’opposition :L’article 21 accorde aux individus le droit de s’opposer à tout moment au traitement de leurs données biométriques, notamment lorsqu’il est fondé sur un intérêt légitime ou une mission d’intérêt public, ce qui renforce leur contrôle sur l’utilisation de leurs données.
Risques du traitement non conforme des données biométriques
Le non-respect des articles précités expose les organisations à des risques multiples :
Violation des droits fondamentaux : les données biométriques permettent une identification unique et permanente, leur usage abusif peut entraîner des atteintes graves à la vie privée, la liberté individuelle, ou même mener à de la discrimination.
Sanctions financières et administratives : L'article 83 du RGPD, le non-respect du RGPD, en particulier des dispositions relatives aux données sensibles, peut entraîner des amendes pouvant aller jusqu'à 10 millions d'euros ou 2% du chiffre d'affaires annuel mondial.
Atteinte à la confiance : les organisations qui ne protègent pas correctement ces données risquent de perdre la confiance de leurs clients, employés ou usagers, ce qui peut avoir des conséquences économiques lourdes.
Exemple concret de non-conformité au RGPD : le cas Clearview AI
En 2022 Clearview AI, une entreprise américaine spécialisée dans la reconnaissance faciale, a fait l'objet de multiples sanctions en Europe pour avoir collecté et traité de manière massive et illégale des données biométriques issues d'images publiées sur Internet et les réseaux sociaux. Cette collecte s’est effectuée sans le consentement explicite des personnes concernées, ce qui constitue une violation manifeste de l’Article 9 du RGPD, relatif au traitement des catégories particulières de données, dont les données biométriques font partie.
En outre, Clearview AI a enfreint plusieurs principes fondamentaux du RGPD, notamment :
Le principe de transparence, défini aux articles 12 et 13 du RGPD, a été enfreint par Clearview AI en omettant d’informer les personnes concernées de la collecte et de l’utilisation de leurs données.
Le principe de sécurité des données, tel que défini à l’article 32 du RGPD, a également été violé par Clearview AI, l’entreprise n’ayant pas garanti une protection adéquate contre les risques d’accès non autorisé ou d’utilisation abusive.
Le principe de limitation de la finalité, énoncé à l’article 5 du RGPD, a également été enfreint, l’entreprise ayant utilisé les données pour des finalités autres que celles prévues initialement.
Plusieurs autorités européennes, dont la CNIL en France, ont exigé la cessation immédiate du traitement des données des citoyens européens et la suppression des données déjà collectées. Des amendes et des injonctions ont également été prononcées, soulignant la sévérité des sanctions en cas de non-respect du RGPD, en particulier lorsqu’il s’agit de données aussi sensibles que les données biométriques.
Conclusion
L’usage des données biométriques exige une vigilance particulière. En imposant des règles strictes, le RGPD vise à garantir leur traitement éthique et sécurisé. Pour les organisations, respecter ce cadre n’est pas seulement une obligation légale, mais aussi un levier de confiance et de responsabilité dans l’ère numérique.